Marquet, Herblay. Automne. Le remorqueur

Un an après avoir fait l’acquisition d’une œuvre fauve d’Albert Marquet, Le Havre, le bassin, grâce à l’aide d’un financement croisé public/privé, le MuMa se voit remettre, au nom de la famille Siegfried, une très belle toile plus tardive du même artiste, Herblay. Automne. Le Remorqueur.

Avec une discrétion toute élégante, Jean Siegfried, l’arrière-petit-fils deJules Siegfried, qui fut maire du Havre de 1878 à 1886, a souhaité donner ce tableau dont il avait hérité, non pas en son nom propre, mais en celui de cette grande famille qui joua un rôle public de premier plan dans notre ville. Déjà en 1955, son père et son oncle avaient offert au musée un très beau portrait au pastel de Jules Siegfried exécuté par l’étonnant Lucien Lévy-Dhurmer. La présence de cette œuvre de Marquet dans la collection de la famille Siegfried confirme sans surprise son goût pour les choses de l’art, quand on sait que Jules Siegfried était l’oncle paternel de la femme d’Olivier Senn, grand amateur d’art moderne et fidèle admirateur d’Albert Marquet. C’est ainsi qu’Herblay rejoint au MuMa 8 peintures et 23 dessins ayant appartenu à ce collectionneur.

De manière générale, Marquet a trouvé au Havre un accueil bienveillant auprès de ces amateurs friands de nouveautés picturales. Proche de Raoul Dufy, Marquet le rejoint sur place en 1906 et peint à ses côtés pendant les premières semaines de l’été. Fasciné par les ambiances portuaires, l’artiste revient au Havre en 1911 et en 1934. Il s’arrête cette année-là suffisamment longtemps pour peindre, depuis le Grand Quai, sept œuvres dont l’une sera achetée par le musée l’année suivante.
Herblay. Automne. Le Remorqueur témoigne de l’attachement que Marquet manifeste tout au long de sa vie pour les paysages traversés par la Seine. Marcelle, sa femme disait qu’elle était « son fleuve…avec ses remorqueurs, ses chalands et ses barques ». Des quais de Paris au port du Havre, elle lui inspira de nombreuses œuvres.
En 1919, de retour de la Côte d’Azur où il s’était installé pour se soigner, Marquet réside à Herblay (à l’ouest de Paris) et, de juillet à novembre, peint, ainsi que dans les proches environs, près de 40 toiles.

Dans cette œuvre il se place sur les berges du fleuve, à proximité immédiate des flots paisibles. La grève s’efface laissant l’élément aquatique envahir la composition. Le paysage s’y reflète discrètement en miroir sur les côtés, conférant à l’ensemble une impression de vacuité transcendée par une matière légère posée en aplats et la délicatesse des tons. Comme suspendu entre ciel et eau, le remorqueur s’avance lentement dans une scène où tout semble immobile. Avec cette vision poétique et très épurée, presque elliptique du paysage, Marquet pousse à la limite de l’abstraction.